Découverte du petit peuple

C’est grâce au recueil de poèmes d’un de ces éclaireurs, Hesion, que l’on peut aujourd’hui connaître les circonstances de la rencontre. D’après son récit, c’est en se perdant dans la brume qu’ils tombèrent par hasard sur des plantes curieusement toutes bien alignées et organisées par couleurs. Poursuivant leur exploration, ils virent des animaux étranges rassemblés derrière une clôture. Ils ne semblaient pas craindre leur présence, comme s’ils ne connaissaient nul prédateur. Les elfes furent dans un premier temps troublés de se trouver dans une zone à l’allure si artificielle et docile, où tout poussait en ordre.

C’est alors qu’ils découvrirent le village des petites gens, où se dressaient une dizaine de huttes rondes, surmontées d’un toit conique en chaume. Ce type de construction leur était inconnu, eux qui étaient habitués à leurs yourtes de voyage. Le premier contact avec les habitants fut un choc aussi bien d’un côté que de l’autre, et les petites personnes prirent peur de voir des géants envahir leur terroir, armés d’arcs, de flèches et de grands couteaux. Hesion parvint à dissiper le malentendu et à assurer que leurs intentions n’étaient pas hostiles. Le groupe fut alors reçu avec une grande hospitalité ; ils mangèrent plus qu’ils n’avaient jamais mangé de leur vie. Ils furent grandement impressionnés par l’abondance et le raffinement de leur nourriture.

Malgré la barrière de la langue, Hesion commença à établir un dialogue avec les locaux à l’aide de dessins tracés sur une tablette d’argile. Il apprit rapidement à parler la petite langue et fut fasciné par leur culture et leur connaissance de la terre et du vivant. Quand le groupe d’éclaireurs repartit rejoindre la tribu pour y raconter leur découverte, Hesion décida de rester sur place pour écrire son célèbre recueil, intitulé Journal d’un géant accroupi. Sous ses jolis vers et ses allégories, se cache dans cette œuvre littéraire un véritable codex regroupant toutes les techniques d’élevage et d’agriculture du petit peuple, des plus basiques aux plus avancées : la préparation du sol par bêchage, le choix des semences selon la saison, la domestication des chèvres pour le lait, la conduite des porcs en lisière de forêt pour les nourrir de glands, l’usage des cendres comme amendement, la construction de fosses à grain étanches pour conserver les récoltes, l’élevage de poules dans des enclos en osier, la culture conjointe de légumineuses et de céréales pour enrichir la terre, la récolte des eaux de pluie dans des jarres de terre cuite, ou encore le greffage des arbres fruitiers sur porte-greffes sauvages.

Impact

Tout ce nouveau savoir généreusement partagé par le petit peuple eut des effets bénéfiques à court et long terme sur les populations elfiques. Tous se mirent très rapidement à adopter ce nouveau savoir-faire, ce qui changea drastiquement leur manière de vivre au cours du siècle qui suivit. Ils devinrent plus sédentaires qu’autrefois, bâtirent des villages durables et se répartirent des terrains à cultiver. La notion de propriété terrienne, qui était inexistante autrefois, fut progressivement intégrée dans leurs mœurs. La mortalité infantile liée aux famines baissa, ce qui entraîna une explosion démographique du peuple elfique. La prolifération des champs cultivés changea nettement le paysage de la surface de Grimm, ce qui ne manqua pas de déplaire aux plus dévots de Gaela. En effet, de tels changements, pour eux, ne faisaient qu’altérer la beauté sauvage de l’œuvre de la déesse. On peut toujours déceler aujourd’hui l’héritage agricole transmis par les petites personnes, car les termes utilisés couramment chez les elfes dans ce domaine viennent directement de la petite langue.