La montée du roi Arthegon sur le trône du royaume dénélien marqua la fin de la période du Défilé des Rois, et inaugura l’Ère de Gloire d’une nouvelle dynastie royale. Ce fut également la date de la fondation du royaume de Larth, l’une des plus grandes puissances du continent de Grimm.
Depuis que la dynastie d’Osimor fut éteinte lorsque le Synode d’Aulvarn prit les rênes du royaume dénélien, les humains plongèrent dans une ère d’instabilité politique appelée le Défilé des Rois. Les monarques qui prétendaient être dignes de mener le peuple dénélien durent faire face aux jugements des haut-druides. Ils avaient le pouvoir de destituer le roi ou la reine qu’ils jugeaient immoraux ou incompétents, sans compter que les prétendants avides de pouvoir ne cessèrent par tout les moyens de discréditer le souverain en place. Un jour vint, dans l’année 147 AB, où un jeune homme étrange du nom d’Arthegon arriva sur les terres dénéliennes pour revendiquer sa place sur le trône.
Personne ne le connaissait dans tout le royaume et malgré son appartenance à la race des hommes, il avait tout d’un étranger. Malgré sa bonne maîtrise du denelaizh, certains indices montraient qu’il avait grandi sur les terres elfiques. Pourtant il affirmait haut et fort être le fils de Ygrenn Osimor, qui était elle-même la fille de Uthger Osimor en personne. Cela faisait de lui un héritier direct de la glorieuse dynastie. Son destin était d’achever l’œuvre de son grand père : celui d’unifier le peuple dénélien afin d’en faire une grande nation. Le Synode reçut la nouvelle avec un grand scepticisme. Ses membres réfutèrent ses affirmations au sujet de la dynastie maudite, et se mirent à avertir le peuple de se méfier des balivernes de ce vil imposteur. Mais les couches populaires, qui avaient depuis longtemps perdu foi en la parole des druides aulvarnes, se laissèrent porter par l’espoir qu’insufflait le récit du prince inattendu. Ainsi Arthegon ne put être ignoré, et celui-ci demanda à passer le Pacte des Veins pour prouver qu’Eognus veillait encore sur son sang. La dernière fois que ce rituel eut lieu, en 236 AB par le prince régent Baust, ce ne fut pas à l’avantage du clan Aulvarn. Pour éviter de reproduire le même scénario, le Synode lança un défi au jeune aspirant : S’il réussissait à passer les trois épreuves qu’il lui soumettait, ils reconnaîtraient son ascendance à la lignée d’Osimor. N’ayant guère le choix, Arthegon décida de relever le défi qui lui était proposé.
Le premier des trois défis fut une épreuve de courage. Le Synode imposa à Arthegon de ramener la tête d’une vouivre qui terrorisait les terres du clan Rudierne. Le bétail des paysans environnants était ravagé par ses chasses intempestives, et les plus chanceux d’entre eux qui lui échappèrent purent l’entrevoir s’envoler en direction des montagnes, juste de l’autre côté de la rive du sourire de Zamena. Arthegon devait impérativement se mesurer à la bête seul pour valider l’épreuve. C’est pour cette raison qu’une druide Osimor, Elenn, fut chargée de l’escorter jusqu’à la tanière du monstre afin de rapporter les faits de l’affrontement. Après deux semaines de voyage, il fallut encore quelques jours au duo pour traquer la bête. Après quelques reconnaissances de terrain et avoir observé de loin les allers et venues de la vouivre, Arthegon parvint à l’attirer dans un piège qui lui brisa les ailes. Après un combat acharné à la lance et à l’épée, le jeune prétendant arriva à bout de la créature malgré ses blessures et du venin qui commençait à lui couler dans les veines. Ce fut rude pour Elenn d’assister à ce spectacle sans pouvoir lui prêter main forte, car elle avait fini par s’attacher à lui depuis le début de leur périple. Elle put cependant lui sauver la vie en lui prodiguant des remèdes et des soins. C’est donc victorieux qu’ils rentrèrent sur les terres aulvarnes pour présenter le trophée sanglant au Synode. Ceux-ci furent surpris par le rapport d’Elenn, décrivant Arthegon comme un fin stratège ne manquant aucunement de bravoure. Ils n’eurent d’autres choix d’admettre qu’il avait remporté l’épreuve. Ils se préparèrent donc pour la suite à lui soumettre un défi encore plus corsé.
La deuxième épreuve visait à mesurer l’esprit du prince présumé. Les druides lui annoncèrent qu’il devait se mesurer au Jeu des Philosophes face à la vénérable Thoana, la doyenne du cercle druidique d’Aulvarn. Arthegon ne connaissait pas les règles de ce jeu et c’était bien normal, car il était normalement réservée à l’enseignement des disciples druidiques dans l’art de l’arithmétique. Il est dit qu’une fois maîtrisé, le jeu permettrait de s’harmoniser avec le monde et d’être ainsi touché par la passion d’Eognus. Cependant, sa complexité le rendait presque inaccessible au commun des mortels, et le Synode comptait sur elle pour écraser le jeune prétendant. Ils lui laissèrent une matinée pour apprendre les règles et s’exercer, et c’est Elenn qui se porta volontaire pour l’entraîner. Elle connaissait bien Thoana, cela faisait des décennies que personne ne l’avait battue au jeu. Consciente des maigres chances de succès d’Arthegon, elle le forma comme elle put et lui suggéra quelques stratégies qui pourraient impressionner le Synode. Arthegon s’efforça de retenir ses enseignements, mais l’heure de la rencontre arriva bien vite. Comme le jeune homme était encore novice, il fut décidé que la condition de victoire se jouerait par le corps, c’est-à-dire en prenant plus de la moitié des pièces de l’adversaire. La partie put enfin débuter et c’est Thoana, disposant des pièces blanches, qui commença à jouer. Elle entreprit une ouverture trompeuse, offrant à Arthegon des prises faciles mais sans valeur. S’il tombait dans son piège, il passerait pour un meneur avide et pragmatique et il aurait ainsi perdu, même en ayant remporté la partie. Mais Arthegon finit par saisir son stratagème et résista à l’envie d’accumuler des prises, quitte à perdre des pièces pour préparer une victoire plus digne. Après près de trois heures de jeu vint le moment décisif. Il aligna ses pièces dans le camp adverse selon une suite harmonique parfaite. Impressionnée, Thoana tendit alors sa main à Arthegon pour reconnaître sa défaite. Devant l’assemblée stupéfaite, Arthegon s’exprima alors ainsi : « J’ai vaincu en apportant l’harmonie. Je ferai de même pour le royaume ».
Il ne restait alors plus qu’une seule épreuve à surmonter pour Arthegon, celle qui allait exposer la grandeur de son cœur. Le Synode, anxieux de ses succès répétés, mit en place un défi impossible à résoudre. Il lui donna rendez-vous un vieux sanctuaire, enfoui dans une galerie secrète, dédié à Mirr la taupe Sentinelle. C’est là que les hauts druides l’attendaient, deux captifs à leurs pieds avec des sacs sur le visage. La sortie fut immédiatement barrée par des gardes à son arrivée, lui empêchant toute retraite. C’est alors qu’on lui exposa les conditions de l’épreuve : dans cette salle une vie devait être prise, et c’était à lui de la choisir. On commença par découvrir la tête du premier détenu, c’était un vieux pêcheur innocent qui arrivait au crépuscule de ses jours. La deuxième n’était autre qu’Elenn, son amie qui l’avait accompagné et soutenu jusqu’ici. Arthegon fut sidéré par l’horreur d’une telle comédie, et pourtant il fut forcé de constater que le Synode était on ne peut plus sérieux. Il se rendit vite compte qu’aucun des choix proposés ne ferait de lui un roi. Il ne pouvait sacrifier le vieillard sous peine de paraître égoïste et de mépriser la vie des faibles. De l’autre exécuter la druide serait une perte considérable, elle qui avait dévoué sa vie à la compréhension du monde biologique et spirituelle. Leur lien d’amitié ne facilitait pas les choses, et la sacrifier serait un acte de traîtrise impardonnable. Acculé, Arthegon prit une grande inspiration et fit la seule chose qui lui semblait honorable de faire. Il enfonça la dague dans son propre ventre. Puisqu’une vie devait être prise, cela voulait dire qu’il pouvait donner la sienne. Mais alors qu’il agonisait sous les yeux de tous, des racines d’asteravein sortirent du sol et se mirent à embrasser le corps du jeune prince. Certains témoins rapportèrent avoir entendu un murmure résonner dans la grotte, qui exprima ses quelques mots : « La meilleure voie aurait été de renoncer au pouvoir, mon enfant. Rien ne doit justifier d’ôter le droit d’exister. Mais sache que je te pardonne. Maintenant relève-toi, et protège-les tous« . C’est alors que les racines s’illuminèrent de mille feux, ce qui n’arrivait jamais en plein jour. La plaie sanglante se referma, et le jeune homme put alors se relever avec peine. Sans un mot, tous les hommes et les femmes présents posèrent un genou à terre devant cet être béni par la grâce d’Eognus. Tous le reconnurent comme leur nouveau roi, et le miracle de ce jour fut raconté parmi tout le peuple dénélien.
Arthegon choisit de se rendre à Lorn, une petite ville sur les terres d’Osimor au bord du lac de Nimu, pour s’y faire couronner. Ce choix, en apparence arbitraire, contraria le clergé aulvarne mais Arthegon insista. Il affirma que le lieu était le berceau qui lui permettrait de renouer véritablement avec ses origines dénélienne. Uthger n’ayant jamais eu de lien particulier ni avec la ville ni avec le lac, on émit l’hypothèse qu’il voulait probablement parler de son père dont personne ne connaissait le nom. Ainsi, c’est dans le lac de Nimu qu’il fut purifié. Au terme de la cérémonie du sacre, on amena la couronne qui n’avait pas été portée depuis la mort du roi Kuertil, ainsi que les deux autres insignes royaux : une épée pour représenter la puissance et la justice royale, et un anneau symbolisant son alliance avec le peuple. Son premier acte en tant que roi fut de renoncer définitivement à son affiliation avec le clan Osimor, renforçant ainsi sa volonté de ne pas devenir pas le meneur d’un clan dominant mais bien le roi de tous les dénéliens. Son deuxième acte fut de dissoudre le Synode d’Aulvarn, dont l’autorité n’avait plus de raison d’être depuis que la dynastie avait été restaurée. Son troisième acte fut de regrouper toutes les terres dénéliennes dans un seul territoire : celui de Larth, l’aube annonciatrice d’un renouveau radieux. Les anciennes terres des clans furent reconvertis en seigneuries à administrer par les anciens chefs de clans, maintenant seigneurs. Pour finir, il annonça la fondation d’un ordre de chevalier royal, qui agirait aussi en tant que bras armé du roi qu’en justicier et médiateur dans toutes les contrées du royaume. C’est ainsi que la dynastie d’Arthegon et sa légende commença.
Le souverain Arthegon fut un véritable modèle de droiture et de sagesse pour les générations à venir. L’esclavage fut aboli sous son règne, il développa largement les structures militaires et les relations commerciales avec les autres puissances, comme avec la nation naine des Monts Benadhun avec les Accords de Fer en 143 AB. Il put alors faire bâtir des villes et des châteaux tels que Kamlorn, et le royaume devint plus riche et puissant qu’il ne l’avait jamais été. Son règne consolida également le système féodal qui sera reproduit dans la plupart des royaumes par la suite.
Ce développement remarquable attisa les inquiétudes du Sénat d’Aelom’Sehl. Au cours des décennies qui vont suivre, le royaume de Larth deviendra un antagoniste de choix pour les mouvements suprémacistes qui mèneront à la Revendication de la Terre des Ancêtres en 42 AB qui conduira plus tard à la Grande Guerre en 7 AB.