Le grand affrontement qui fit rage à l’oppidum de Briggavel fut l’événement qui mit fin à la Guerre des Clans dénéliens. Cela faisait plus d’une décennie que les différents clans, en particulier les plus importants, Aulvarn, Osimor, Hevott et Rudierne, se disputaient les territoires occupés depuis la Colonisation Humaine. Aulvarn était le plus imposant de tous les clans, et ses guerriers étaient d’autant plus redoutables qu’ils clamaient que leur force venait du dieu Eognus lui-même, dont le culte était alors émergent. Cependant, ils n’étaient pas suffisamment puissants à eux seuls pour dominer les autres clans.
En 283 AB, la cheffe de clan Divicia d’Aulvarn, fut approchée par Uthger d’Osimor, qui était alors chef depuis peu. L’échange diplomatique se fit dans la grande hutte, en présence de druides de chaque clan et de quelques membres de l’entourage aristocratique de Divicia. Le jeune Uthger proposa une alliance afin de mettre un terme, ensemble, à la guerre. L’union de leurs forces armées offrirait une victoire presque assurée face aux autres clans. Cependant, il ne s’arrêta pas là. La condition qu’imposa Uthger pour sceller cette alliance était qu’à l’issue de la guerre, il soit nommé roi de l’ensemble du peuple dénélien. Devant l’audace de ce marché, Divicia et ses conseillers exprimèrent des réprobations indignées. Pourtant, après de longues négociations, un arrangement fut trouvé : Uthger devait d’abord se convertir à Eognus et se montrer digne de ses préceptes, puis se marier à la fille de Divicia, Brigid d’Aulvarn, pour en faire sa reine. Enfin, le premier enfant né qui hériterait du trône devrait être élevé sur les terres d’Aulvarn, afin que leurs druides puissent juger de sa sagesse et garantir les intérêts de leur clan. Cette tradition devrait se répéter pour les générations futures. Uthger concéda à ces demandes, et le rituel de la coupe partagée fut consacré sur le champ, suivi du mariage quelques jours plus tard.
On pourrait croire que l’histoire de la bataille débuta à Briggavel, mais en réalité, c’est à Osière que commencèrent les hostilités. Après près de deux années, l’alliance d’Aulvarn et d’Osimor gagnait du terrain face aux clans ennemis. Il s’avéra, malgré son manque d’expérience, qu’Uthger était un chef de guerre compétent et astucieux. Des bains de sang furent évités, alors que sa légende grandissait, inspirant de nombreuses tribus isolées à le rejoindre dans son rêve d’un peuple dénélien uni. Ce n’était pas au goût de Vertoril d’Hevott, qui voyait en Uthger un homme sans honneur, ayant vendu son âme au clan d’Aulvarn pour renforcer son armée. Pour contrer la menace dominante et préserver leurs traditions, les clans d’Hevott et de Rudierne associèrent leurs forces à leur tour. Vertoril partit avec ses guerriers attaquer par surprise le village d’Osière, occupé alors par une tribu du clan d’Aulvarn. Les habitants furent rapidement neutralisés, et les survivants privés de toute arme afin qu’ils ne puissent plus résister. Le plan de Vertoril était de tendre une embuscade à Uthger, qui, selon ses éclaireurs, déplaçait ses troupes dans cette direction. Ils se postèrent au village, retenant prisonniers les Aulvarnes. Mais, motivés par leur désir de revanche, les villageois s’organisèrent discrètement. Ils n’avaient certes plus de fer pour combattre, mais ils avaient encore du bois pour se tailler des lances, et de l’osier pour tresser des boucliers. Ils prirent une bonne partie de la nuit à se fabriquer un arsenal de fortune sans se faire repérer. Quand Uthger et son armée arrivèrent à Osière le lendemain matin, ils furent accueillis par le chaos du combat. Prêtant main-forte aux Aulvarns téméraires, ils repoussèrent les guerriers de Vertoril, qui battirent en retraite avec lui. L’armée en déroute prit la direction de Briggavel, là où résidait Sedolus de Rudierne et son clan, pour s’y réfugier. Uthger, après avoir rassemblé ses troupes, décida de les pourchasser afin de ne laisser aucun répit à l’ennemi affaibli.
Briggavel était l’oppidum le plus impressionnant de son époque. Ses fortifications solides et sa position en altitude, entourée de rivières et de collines, rendaient l’assaut frontal extrêmement ardu. Uthger opta pour une stratégie de siège : il encercla la ville afin de contraindre Vertoril et Sedolus à sortir se battre ou à se rendre. Devant l’impressionnante armée de plus de 100 000 combattants menée par Uthger, contre 70 000 au total dans l’oppidum, le chef des hevotts était inquiet de l’issue de l’affrontement à venir. Cependant, Sedolus le rassura : quelques-uns de ses hommes étaient infiltrés dans le camp adverse. Ces traîtres déclenchèrent un incendie dans un des camps et en profitèrent pour s’enfuir pour aller quérir des renforts. Après plus de vingt jours de siège, alors que la cité désespérée criait famine, les renforts composés de rudierniens et de mercenaires elfes apparurent à l’horizon. Environ 80 000 guerriers furent rassemblés pour libérer Briggavel. La bataille qui s’ensuivit fut des plus terribles. Malgré leur avantage numérique, l’alliance Hevott–Rudierne ne parvint pas à percer la défense inébranlable des troupes d’Uthger, désormais rejointes par Divicia. Vertoril et Sedolus, malgré leurs efforts pour coordonner les attaques depuis l’oppidum avec celles des troupes extérieures, restèrent bloqués dans Briggavel sans pouvoir mener convenablement l’assaut. Le commandement centralisé d’Uthger eut finalement raison de la coalition désorganisée de ses ennemis : l’armée de renfort fut dispersée et vaincue. Peu de temps après, Vertoril et Sedolus vinrent déposer les armes devant Uthger et reconnurent leur défaite.
Afin de soumettre les clans vaincus, Vertoril et Sedolus furent emprisonnés. Ce n’est qu’après six années de captivité qu’ils furent emmenés à Briggavel pour participer au banquet triomphal de l’oppidum réinvesti. Un immense festin fut préparé, rassemblant tous les clans pour fêter la victoire d’Uthger. Les armes des guerriers tombés furent suspendues aux branches du grand chêne qui trônait le centre du sanctuaire, et les bardes chantaient les louanges des courageux vainqueurs. Au cours des dernières années, comme par miracle, les bras d’asteravein d’Eognus couvrirent le tronc de l’arbre, comme s’ils l’embrassaient de leur quiétude pour annoncer une paix durable aux hommes et aux femmes de Grimm. Uthger portait fièrement le torque d’or sacré de la victoire, tandis que les deux prisonniers lui furent amenés au milieu de la cérémonie. Il leur annonça que son sacrement en tant que roi des dénéliens était proche, et leur donna une chance de le rejoindre en jurant fidélité à leur futur souverain. C’est ce que fit Sedolus, mais pas Vertoril, qui préféra défier Uthger en duel. Il choisit de mourir en Hevott libre, par l’épée, plutôt que de se soumettre à son pire ennemi. Son vœu fut exaucé après un combat admirable : malgré les privations subies durant ces longues années, il se battit vaillamment avant de périr. C’est ainsi que prit fin, pour de bon, la Guerre des Clans.
À Aelom’Sehl, la nouvelle de la victoire humaine ne fut pas immédiatement commentée. On parla simplement de la fin d’un conflit barbare. Mais au sein du Sénat, les discussions se firent plus intenses : pouvait-on encore considérer les dénéliens comme des tribus querelleuses? Ou devaient-ils désormais être pris au sérieux comme une puissance montante?