Avec toutes les concessions territoriales qui suivirent la Revendication de la Terre des Ancêtres, et l’incident majeur que représenta le décès du duc Jevo de Cardagnan en 15 AB, les relations diplomatiques des principales nations de Grimm semblaient sur le point d’exploser. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’un conflit ouvert ne se déclare. Ce fut finalement en 7 AB, à la suite d’un vote décisif au Sénat d’Aelom’Sehl, que fut déclarée officiellement la Grande Guerre qui secoua le continent tout entier. Le conflit prit brutalement fin au moment de la Brèche.
Depuis le tragique assassinat du duc de Cardagnan en 15 AB, les négociations territoriales réclamées jusque-là par le Sénat elfique s’étaient interrompues pour laisser place à un silence diplomatique chargé de rancœur. On observa des milices indépendantes se former afin de chasser l’occupant elfique des territoires revendiqués par le Sénat. Du côté de Larth, le roi Clodimarr se préparait déjà discrètement à la guerre en proposant alliance au royaume de Saûne ainsi qu’aux Unions d’Ashandhun.
Une période troublée remuait également le Sénat de la Cité d’Albâtre. Le mouvement suprémaciste Lom’Glaban mené par Crom’Jinhel, déjà bien ancré depuis la votation de la Revendication de la Terre des Ancêtres, prenait encore davantage d’ampleur. Les soutiens de Lom’Glaban menaient des campagnes de propagande afin de diaboliser les dénéliens au yeux du peuple elfique. Pour ne rien arranger, des attentats violents furent perpétrés à l’encontre des sénateurs dans cette même période. On imputa tous ces actes terroristes non revendiqués aux royaumes de Saûne et de Larth, bien que certains soupçons avançaient que Crom’Jinhel avait profité de ce climat hostile pour éliminer ses opposants politiques en toute discrétion. Ce fut le cas lors de l’assassinat par poison de la sénatrice Simène Velarinn, qui cherchait une alternative pacifiste en s’appuyant sur les thèses progressistes du philosophe défunt Faurell.
Ce fut dans ce contexte de manipulation de l’opinion publique et de manœuvres politiques que le courant Lom’Glaban parvint à occuper la majorité des sièges du Sénat en 7 AB, et fit nommer Crom’Jinhel en tant que haut-sénateur. De cette prise de pouvoir découla directement la votation de la déclaration de guerre, que les suprémacistes remportèrent haut la main. Il fut alors délivré une lettre de défi cachetées à la reine Helma de Saûne, et la Cité d’Albâtre fut pour l’occasion entièrement parée de bannières ambrées en l’honneur de Kri, l’Aelom de la guerre.
La Grande Guerre démarra en 7 AB et fut brutalement interrompue par la Brèche. Ce conflit de grande ampleur fut le théâtre de nombreuses batailles sanglantes sur l’ensemble du continent.
Cette guerre vit s’affronter deux camps, chacun composé d’alliances regroupant des armées de plusieurs pays de Grimm.
Le roi Clodimarr avait depuis longtemps pressenti l’arrivée du conflit, et commença à mettre en place sa stratégie dès les premières proclamations territoriales de la Terre des Ancêtres. Il renforça ses troupes dans la plus grande discrétion, tout en déployant des agents afin de collecter des informations sur les armées d’Aelom’Sehl. C’est le roi de Larth qui fut le premier à quérir secrètement ses voisins en vue d’une alliance militaire. Il obtint rapidement le soutien des Unions naines d’Ashandhun, qui n’appréciaient guère la politique agressive du Sénat elfique et voulait à tout prix éviter que la guerre arrive jusqu’aux souterrains des Monts Benadhun. C’est sous cette condition qu’il fournirent leur industrie et une partie de leurs effectifs, ce qui bénéficiera ensuite grandement à l’armement du camp dénélien. Les négociations avec Saûne furent dans un premiers temps plus laborieuse, en raison des inimitiés historiques qui animaient feu le roi-chevalier Gerhartt envers les dirigeants de Larth. L’opinion de la reine Helma de Saûne bascula suite au décès du duc Jevo de Cardagnan, l’ancien écuyer de son père. Les discussions avec le roi Clodimarr reprirent, si bien qu’une alliance silencieuse entre les deux royaumes dénéliens était d’ores et déjà conclue au moment où le Sénat déclara la guerre à la reine de Saûne.
De son côté, les forces elfiques se mobilisèrent avec tout autant d’ampleur. Les idées suprémacistes de Lom’Glaban s’étaient répandues comme une traînée de poudre auprès du peuple d’Aelom’Sehl, et avaient également suffisamment atteint le cœur des habitants de Brizh’Sehl pour assurer le concours de ses dirigeants dans la guerre à venir. Aux yeux de la plupart des elfes, cette guerre était une croisade sacrée visant à restaurer l’honneur de Gaela et de ses Aelom. La menace dénélienne devait être endiguée à tout prix, si bien que beaucoup de vardael marginaux s’engagèrent dans l’armée aylonael pour rejoindre l’effort de guerre. Après de rudes négociations, un traité d’alliance fut également signé avec la cité souterraine de Kluzze, qui disposait de guerriers redoutables. Quand l’ampleur du conflit s’intensifia, on commença à voir aux premières lignes des bataillons des régiments d’esclaves en armes. Souvent contraints de force, il était aussi courant que des volontaires se joignent à ces troupes, bercés par la promesse de gagner leur liberté par un haut-fait.
Durant les 7 années de combat, les affrontements furent nombreux et répétés. Les frontières se redessinaient sans cesse au gré des conquêtes rapidement disputées, chaque victoire n’étant jamais qu’un prélude à une nouvelle contre-offensive d’une guerre d’usure où aucun camp ne parvenait à s’imposer durablement. La guerre s’étendait également sur les mers, qui représentaient un atout logistique d’importance pour acheminer soldats et ressources sur les différents fronts. Les deux camps se mirent à délivrer des lettres de marque à des pirates notoires pour que ceux-ci concentrent leurs attaques sur le camp adverse. Cela donna naissance à de grands corsaires tels que Berton Merante, œuvrant sous l’égide de la couronne de Larth, et Pieta Hennel, missionnée par le Sénat d’Aelom’Sehl.
La Grande Guerre connut des batailles qui ont laissé une empreinte dans l’histoire de Grimm. C’est là qu’on vit les développements les plus importants en matière de stratégie militaire et de l’armement.
L’une d’entre-elle fut la bataille de Dranvin, qui fut remportée par le camp elfique en 4 AB. Aux abords du Mar, les unités d’élites larthaises dirigées par le capitaine Echarr Botel posaient de grandes difficultés aux troupes d’Aelom’Sehl en présence qui ne disposaient pas d’un armement aussi avancé. Suite à une escarmouche qui fit tomber le capitaine de l’armée elfe, le lieutenant vardael Odanell prit le commandement en établissant un revirement stratégique décisif. En simulant le repli des troupes, Odanell parvint à attirer l’armée ennemie vers la forêt de Dranvin. Les elfes purent ainsi tirer profit de leur grande expérience du combat en terrain sylvestre pour acculer les dénéliens à l’aide de tireurs embusqués. La débandade qui suivit fut une humiliation pour le capitaine Botel, qui condamna le manque d’honneur de la stratégie ennemie. Cette bataille fut une démonstration édifiante d’une victoire qui défia les attentes, où les vainqueurs l’emportèrent malgré leur maigres effectifs.
Le siège de Storlain fut une victoire significative pour le camp dénélien en 6 AB, alors que l’armée d’Aelom’Sehl préparait une offensive de grande ampleur. Suite à la conquête d’un fort situé sur la côte nord de la mer alboréenne, le camp elfique avait entrepris d’y rassembler des troupes en les amenant par navire depuis Yasehl. Informées par un agent infiltré de Larth, les armées de Saûne se mobilisèrent pour faire tomber la forteresse avant que l’ennemi ait le temps de se regrouper. Des artisans nains dépêchés par les Unions mirent au point pour l’occasion un imposant trébuchet, qui par sa seule vue incita les défenseurs à se rendre. Mais, désireux de tester l’engin de siège, le capitaine saunien ordonna tout de même l’assaut qui fera crouler le fort Storlain sous les pierres, le réduisant ainsi à l’état de ruine. Il fut reproché au commandant de l’armée d’avoir ainsi détruit des défenses exploitables, mais l’événement contribua à affirmer la puissance de feu apportée par le savoir-faire d’Ashandhun.
Une autre confrontation militaire marqua les derniers temps de la grande guerre à partir de 2 AB, le blocus de Laugerne. La ville côtière était une base importante pour la logistique des armées dénéliennes, et avait jusque-là été épargnée par les batailles en raison de son éloignement du front. Des navires de guerre y étaient postés en permanence, afin de protéger la ville et de pouvoir surveiller la présence de l’armée ennemie dans les Eaux Revêches et le long de la Côte des Brumes. Malgré ces précautions, une flotte elfe composée de plus de vingt navires surgit un jour de nulle part au petit matin. Leur apparition soudaine, comme sortie d’une brume mystique, laissa supposer qu’un sortilège était à l’œuvre. Pris de court, les navires dénéliens postés à Laugerne furent presque entièrement décimés par les balistes ennemies, ainsi que par l’usage d’une nouvelle arme incendiaire appelée Arda’kri. Conjointement, un détachement de troupes venant de Kluzze vint monter un siège à l’extérieur des murs, bloquant ainsi la ville sur deux fronts. C’était une opération militaire finement calculée, visant à priver la ville de tout ravitaillement. La population retranchée dans l’oppidum de Laugerne, dont les ressources s’amenuisaient, était au bord de la reddition au moment où un navire de ravitaillement parvint à forcer le blocus. Cette guerre d’attrition se déroula pendant près de 2 ans jusqu’à ce que la Brèche mette fin à la Grande Guerre.
Cette guerre, qui ne devait concerner que deux pays, s’étendit sur la quasi-totalité du continent. Outre les alliances elfiques et dénéliennes, nombre de populations neutres furent impliquées malgré elles dans ce conflits, comme par exemple les communauté de petites-gens. Certains clans orcs de Rohzok’khrel se joignirent spontanément aux combats contre le Sénat, les actes de piraterie augmentèrent sur toutes les mers, et les grandes villes furent saturées par l’arrivée en masse des réfugiés provenant des territoires conquis.
Seuls certains endroits parvinrent à se prémunir des affres de la guerre. Dès les débuts du conflit, les nains d’Ashandhun avaient pris leur précaution en négociant leur alliance avec le roi Clodimarr : leur collaboration était garantie tant que le champ de bataille n’atteignît pas les souterrains des Monts Benadhun. La perspective d’un combat souterrain contre les nains était aussi redoutée par les elfes de Kluzze, qui acceptèrent de signer avec les Unions un pacte de non-agression. L’empire de Shaar refusa de prendre part au conflit, et renforça ses frontières afin de se préserver, tout en coupant court à tout échange commercial avec l’extérieur. À l’instar des shaari, les habitants de Yafuò et des Monts Kuraò choisirent de se tenir en retrait face à la Grande Guerre.
Quand le cataclysme de la Brèche survint au milieu de cette terrible guerre, le continent tout entier était fourbu par les combats. Une part importante de la population avait déjà succombé avant même que les engeances ne s’emparent de la surface.
Avec la Grande Guerre, c’est l’ensemble de la diplomatie du continent qui fut redéfinie. Bien que la trêve inopinée qui s’imposa pendant le Confinement amena les peuples à s’unir dans l’adversité, une part des ressentiments entre les deux camps persistait.
La Grande Guerre n’eut aucun vainqueur jusqu’au Concordat de la Réconciliation qui, sur l’initiative du roi Sargisnold, rassembla les dirigeants des différents pays impliqués dans le conflit en 100 PB. C’est là que, par des manipulations habiles, les diplomates dénéliens parvinrent à imputer officiellement la responsabilité des pertes de la Grande Guerre au Sénat, représenté à l’époque par la haute-sénatrice Ularorra. Cela accentua le déclin de l’influence d’Aelom’Sehl déjà annoncée par le Schisme Elfique de 34 PB.