Dans l’adversité, le Confinement eut pour effet de rapprocher les peuples autrefois ennemis. La trêve qui débuta à l’ouverture de la Brèche entre l’Alliance des royaumes de Denel et la Confédération elfique parvint à se maintenir malgré les tensions. Pourtant, les débuts furent compliqués, en particulier en termes de communication. Entre le denelaizh, l’elfique, le nanolais, l’orckesh et la petite langue, il était difficile d’échanger des informations efficacement.
Dans cette situation, cela pouvait coûter des vies. C’est au cours de plusieurs années qu’un patois hybride commença à se former, ainsi qu’une écriture simplifiée pour faciliter le commerce dans les galeries. Son lexique est un mélange de presque toutes les langues parlées de Grimm, même si l’emprunt au denelaizh et à l’elfique y est plus marqué. Les milieux populaires se mirent à l’employer de plus en plus couramment, développant empiriquement son vocabulaire et sa grammaire jusqu’à en faire une langue à part entière. Jinerva, la reine de Larth, fut la première à déceler le potentiel de ce langage émergent. Elle fit envoyer des scribes dans l’ensemble des villes souterraines des Monts Benadhun pour enregistrer, analyser et répertorier chaque élément, dans le but de constituer un codex. Après plus de deux décennies de travail, le Lexikon des voix réunies vit le jour, sous la plume de l’érudit spécialiste du langage Liezzar Zanemov, en 26 PB.
Ce fut à la demande de Jiverna qu’un congrès rassembla les représentants de chaque grande nation confinée : les dénéliens du royaume de Larth et de Saûne, les aylonael du Sénat d’Aelom’sehl, les membres de la Maison de Kluzze, et le Comité d’Ashandhun. Au grand regret de la reine, il n’existait aucune autorité significative pour porter la parole des orcs et des petites gens, mais l’ouverture au public de ce rassemblement permit à une partie d’entre eux d’assister aux délibérations. De nombreux sujets de discussion furent à l’ordre du jour, en commençant par s’accorder sur le fait de reconnaître la nouvelle langue souterraine comme le nouveau langage universel du peuple de Grimm. Mais ce ne fut pas tout : un nouveau calendrier unique fut proposé, prenant pour point de référence le jour tragique de la Brèche. Le dernier sujet proposé fut l’administration d’une monnaie commune pour faciliter les échanges commerciaux. Il fallut trois jours au congrès pour traiter tous les détails de ces nouvelles propositions. Toutes furent acceptées à la majorité des votes. Bien que toutes les voix furent entendues, toutes ne furent pas écoutées. Certains quittèrent le congrès dans un silence désapprobateur, d’autres y virent seulement un pacte de survie plus qu’un idéal. Mais au moins ce jour-là les peuples de Grimm travaillèrent ensemble à leur avenir. La langue commune, comme elle fut baptisée, devint la langue officielle du continent. Elle fut enseignée dès lors par les clercs selon le Lexikon de Zanemov. Une norme monétaire fut également mise en place, avec des standards de poids et de formes pour les pièces de cuivre, d’argent et d’or. Une matrice pour frapper la monnaie fut conçue et offerte aux grandes puissances, afin que chaque revers de pièce affiche le symbole choisi pour représenter la coopération des peuples : une étoile à cinq branches, comme les cinq races de Grimm, en racines d’asteravein entremêlées, rappelant que même dans l’obscurité la plus profonde, la lumière salvatrice et la vie demeurent. La devise : « Cinq peuples, une seule voix » est inscrite sur son contour en langue commune. L’autre face est réservée à l’emblème de la nation où la pièce est frappée.
L’utilisation de la langue commune fut adoptée au départ comme langue diplomatique et administrative, mais elle se popularisa si rapidement qu’elle deviendra même la langue officielle d’un grand nombre de pays conquis par les guilde d’aventuriers. On considère même qu’elle a largement contribué à leur développement, celles-ci ne dépendant pas à des nations et donc se voyaient constituées de membres aux origines très diverses. Dans la période de l’Équilibre, la langue commune fut un puissant liant qui atténua les frontières culturelles et développa le commerce à l’échelle continentale. Il est à noter que de nombreux peuples n’ont pas connu le Confinement, et donc n’ont pas adopté la langue commune : la nation de Ramparr, l’Empire de Shaar, les baronnies d’Arbhelai, la communauté d’Harrbidhun, les résidents du Mont Kuraô ou encore les madhurois ayant fondé Valor, Azargirn et Kaldinurr.