Cela faisait plus d’une quarantaine d’années que les tribus elfes avaient commencé à se sédentariser lorsque s’abattit la Période des Nuées. Une série de plus de trois printemps et étés anormalement froids et humides, accompagnés de déluges incessants, impacta grandement les récoltes. Les champs cultivés furent détrempés, les semis se mirent à pourrir, et le bétail fut frappé par les maladies. Toutes les terres arables furent surexploitées, y compris les plus pauvres et peu fertiles. Mais même après de telles dispositions, les routes et les moyens de transport étaient si peu développés qu’il était impossible d’acheminer efficacement les ressources. Le système d’approvisionnement elfique atteignit rapidement ses limites, ce qui mena à des pénuries massives de céréales, de foin, de légumes et de viande. La valeur d’échange de ces ressources doubla, et on favorisa le court terme au long terme, en mangeant les grains conservés pour les semis futurs, ainsi que les animaux qui donnaient pourtant du lait et des œufs. De lourdes épidémies s’abattirent sur les populations, dues à la malnutrition et à leur affaiblissement.
La famine s’accompagna d’actes de violence désespérés, où certaines tribus pillaient les plus faibles pour s’approprier leurs précieuses ressources. Par ces traitements brutaux certaines d’entre elles furent totalement anéanties, plongeant toute leur histoire et leur héritage culturel dans l’oubli. En parallèle, la criminalité s’intensifia, et cela entraîna la formation de groupes de bandits. L’insécurité ambiante s’aggravait, et les gens se mirent à se méfier les uns des autres. Les plus démunis furent réduits à mendier, voler, se nourrir d’herbes, d’écorces et même, dans certains cas rares, à se livrer au cannibalisme. Des histoires atroces de cette époque racontaient que des corps furent exhumés et servis à manger aux plus pauvres. Cette période inspira également de nombreuses fables narrant l’abandon d’enfants en forêt, leurs parents ne pouvant se résoudre à les voir mourir de faim.
Les chefs de tribus et leurs guerriers eurent beaucoup de difficultés à réprimer les voleurs, les tueurs, et les ceux qui s’accaparaient les ressources alors que le rationnement était en vigueur. La situation était tout simplement hors de contrôle. On s’attaqua même aux communautés des petites gens, qui semblaient mieux se porter que leurs voisins elfes. On estime qu’en trois ans un dixième de la population périt, traumatisant profondément les habitants de Grimm.
Le cours de ce désastre mit à mal la confiance portée envers leurs chefs de tribu : leur capacité à répondre à des crises majeures de ce type fut remisent en question. Une règle tacite voulait jusqu’alors que les affaires d’une tribu reste dans la tribu, c’était la raison pour laquelle demander de l’aide à une autre était indigne et vu comme une faiblesse. Et pourtant en dépit de ces traditions, certains elfes approchèrent d’autres congénères afin d’établir des relations d’entraide. En effet toutes les tribus n’avaient pas les mêmes manques, et elles pouvaient bénéficier d’échanges vertueux au long terme pour les deux parties. Par exemple, si l’une d’entre elle arrivait à faire subsister ses plantations mais qu’elle n’avait plus la main d’œuvre nécessaire pour les entretenir, l’autre pouvait lui envoyer des esclaves et des guerriers contre une part de la récolte. Pour solidifier ces unions, on pratiqua un rituel nommé le Pacte des Racines, où des membres des deux tribus étaient échangés pour fonder des lignées mixtes, garantes de l’unité future.
Beaucoup d’elfes se sont détournés de Gaela, convaincus face à tant de malheur et de disgrâce que leur déesse les avait abandonnés. D’autres au contraire se sont d’autant plus réfugiés dans la religion, associant le terrible climat à une punition divine pour avoir dénaturé les terres de Grimm depuis le développement de l’agriculture suite à leur rencontre des petites gens. Ces épreuves étaient pour eux une voie vers la rédemption.
Pour le peuple elfique il fallait tirer les leçons de ses années de misère et de chaos. C’est ainsi que la majorité des chefs de tribus décida de se réunir afin d’organiser un front commun face à l’adversité. Ce rassemblement fut connu sous le nom du Concile de la Chataignière, et marqua le début de la Fédération des elfes.