Promesse d’Harrbidhun

D’après la légende, Morad n’était qu’un humble tailleur de pierre lorsqu’il fut touché par une vision divine. Il y vit une terre promise, un sanctuaire sous une autre montagne, faisant partie des grands plans de Dhouran. Ce lieu saint serait le foyer de tous les vrais fidèles aux Génies, et Morad se vit confier la tâche de prêcher leur parole et de guider son peuple vers le salut. Le prophète jura devant les Génies qu’il ne connaîtrait nul repos avant que sa destinée ne fût accomplie. Le prophète ainsi illuminé rassembla autour de lui d’autres nains n’ayant pas encore rejeté les anciens préceptes, et en ramena d’autres sur la voie. Avec leur aide et leur fortune, il réunit toutes les reliques sacrées n’ayant pas encore été recyclées par les Unions. Vers 540 AB, quand ils furent assez nombreux et disposèrent des ressources nécessaires, Morad guida l’exode dans les recoins les plus sombres des souterrains, en direction de la terre promise.

Ne pouvant voyager depuis la surface, considérée comme le domaine des dieux, le groupe de fidèles se heurta à un obstacle majeur : aucune galerie ne menait à leur destination. C’est alors qu’ils entreprirent en secret le chantier le plus phénoménal de toute l’histoire de Grimm. Ils creusèrent une galerie en direction du sud-ouest, qui mit 245 années à rejoindre les montagnes de Kall’Jihyel. Les dévots ayant commencé cette aventure ne virent pas la fin du tunnel, mais travaillèrent avec ferveur pour les générations futures qui vinrent au monde et grandirent au milieu de ce projet titanesque. Ainsi, tous furent remplacés par leur descendance, à l’exception de Morad. Alors que son heure approchait, le vieux prophète ne pouvait se résoudre à mourir sans avoir accompli sa quête. Par la pratique d’un ancien rituel réitéré tous les vingt ans, sa vie fut prolongée par le sacrifice d’une vie. À l’aide du Génie Okehaus, son corps était vidangé de son vieux sang pour laisser couler en lui celui d’un congénère sacrifié. Krenehass remodelait ensuite son corps à partir de la matière organique du donneur. Tekhya renforçait la structure osseuse grâce à la moelle extraite, tandis que Heprihaun récupérait le souffle de la vie sacrifiée pour l’injecter dans la poitrine du prophète. On peut encore trouver des traces de ces rituels dans la galerie abandonnée, où des stèles gravées mentionnent les noms des volontaires ayant eu l’honneur d’offrir leur vie pour le Grand Œuvre.

En 295 AB, quand Morad reconnut enfin la terre promise de ses visions, il s’effondra à terre et pleura de joie. Après tant de transformations, la nature de son corps n’était plus que l’ombre d’elle-même. Sa destinée accomplie et son peuple sauf, Morad put enfin se laisser aller au repos. Il se transforma en statue de pierre sur place, alors qu’il entonnait à ses fidèles que Harrbidhun, signifiant « le foyer des élus » en nanolais, serait le nom de leur terre. Reconnaissants du miracle et souhaitant honorer l’abnégation de leur guide, ses disciples bâtirent une ville autour de sa dépouille pétrifiée, qu’ils appelèrent Morad’dhun.