La Revendication de la Terre des Ancêtres est un édit voté par le Sénat elfique en 42 AB. Avec ce texte, les dirigeants d’Aelom’Sehl s’engagèrent à réclamer leurs anciens territoires au nom de Gaela, par une diplomatie agressive envers les royaumes dénéliens.
Depuis la Déclaration du Droit Naturel, la société elfique avait connu des changements fondamentaux. La reconnaissance des vidzum en tant que citoyen vardael amena à développer l’esclavage envers les autres peuples de Grimm, transformant une servitude de foi pour un asservissement racial. Ce revirement dans leur culture contribua grandement à induire progressivement dans l’esprit des elfes un certain sentiment de supériorité, qui donne naissance à des mouvances idéologiques de plus en plus radicales.
Quand les Accords de Fer furent signés par les Unions naines et le roi Arthegon en 143 AB, une partie des élites d’Aelom’Sehl commencèrent à percevoir les dénéliens comme une menace. Ce traité commercial ébranla violemment les relations diplomatiques qu’entretenait le Sénat avec les Monts Benadhun depuis des siècles, et endommagea significativement l’économie d’Aelom’Sehl. Un ressentiment profond commençait alors à s’installer dans les sociétés elfiques, qui se sentaient trahis par les colons humains. C’est à cette époque que l’on vit apparaître la faction politique de Lom’Glaban, qui gagna rapidement des adhérents dans ce climat d’indignation populaire. Ils proclamaient la supériorité de la race en vantant la pureté de leur sang, affirmant que les terres jadis façonnées par Gaela devaient revenir de droit aux enfants des Aelom. Dans un premier temps étouffés par les sénateurs traditionalistes, les partisans de Lom’Glaban ne tardèrent pas à atteindre les plus hautes sphères du pouvoir à la Cité d’Albâtre.
Bien que les idées de Lom’Glaban commençaient à séduire certains sénateurs, les sympathisants suprémacistes étaient encore en minorité dans les chambres parlementaires. Leur nombre réduit n’était pas en mesure de constituer une majorité suffisante pour faire adopter leurs projets. La base du texte de la Revendication de la Terre des Ancêtres avait d’ores et déjà été rédigée par un magistrat partisan, et ne demandait qu’à être votée. Mais, afin d’avoir une chance de faire ratifier le projet de loi, le groupe d’opposition de Lom’Glaban décida de faire discrètement pression sur des fonctionnaires du Sénat afin de faire passer leur édit par le biais d’un vote populaire. Ce type de scrutin n’était pas sans précédent, mais restait extrêmement rare dans les pratiques parlementaires du pays. L’ordonnance de la Revendication de la Terre des Ancêtres prit par surprise les Haut-Sénateurs, qui virent d’un mauvais œil ce contournement forcé des institutions, mais ne se risquèrent pas à faire opposition car ils jugeaient hautement improbable que ce texte provocateur puisse convaincre les citoyens.
Pourtant, les idéaux de Lom’Glaban avaient déjà gagné une partie des couches populaires, notamment dans les communautés vardael encore sous-représentées au Sénat. Le parti suprémaciste déploya tous les moyens de propagande possibles afin d’avilir les dénéliens, en mettant l’accent sur leur prolifération illustrée par la fondation du royaume de Saûne en 67 AB. Des affiches représentant des caricatures d’humains en train d’abattre l’arbre Sëko pour le vendre aux nains furent placardées dans tout Aelom’Sehl. Une coalition des sénateurs fermement opposés au texte se contentèrent de diffuser un appel au rejet au travers d’un pamphlet de recommandation de vote, qui se diffusa principalement chez les élites aylonael. Ils avaient très largement sous-estimé l’influence grandissante de Lom’Glaban qui, grâce à sa campagne délétère, parvint à remporter une majorité des voix quand vint le jour du vote en 43 AB.
Ce n’est que l’année suivante que fut ratifiée la Revendication de la Terre des Ancêtres par un acte officiel. Des émissaires furent ensuite missionnées dans les différents territoires de Saûne et de Larth contestés par l’édit. Considérant la puissance de l’armée elfique, la perspective d’un conflit ouvert était à craindre. Les différents partis préférèrent donc tenter de régler les différends par des voies diplomatiques : certaines parcelles territoriales étaient cédées en signe de bonne foi, d’autres étaient épargnées sous la condition de considérables taxes versées au Sénat. Ces négociations eurent pour effets d’interrompre presque immédiatement les querelles armées qui opposaient les deux royaumes dénéliens à cette époque.
La ratification de la Revendication de la Terre des Ancêtres fut un tour de force qui chamboula les institutions politiques d’Aelom’Sehl ainsi que les relations diplomatiques des grandes puissances du continent, en rompant définitivement l’équilibre fragile entre les royaumes humains et les institutions elfiques. Du côté des nains, les Unions choisirent le silence, tout en continuant de resserrer leurs relations avec Larth. Cet événement est souvent décrit comme l’amorce de la Grande Guerre qui éclata plus de trente années plus tard, en 7 AB.
C’est aussi, selon beaucoup, ce qui causa le déclin de la société elfique. Avoir ainsi ouvert les hostilités rendit officiellement le Sénat d’Aelom’Sehl responsable du traumatisme partagé de la Grande Guerre, tel qui le fut décrété lors du Concordat de la Réconciliation en 100 PB.