Sacre du roi Uthger

Contexte

À l’issue de la Bataille de Briggavel, qui marqua le dernier chapitre de la guerre des clans dénéliens, Uthger le Victorieux, chef des Osimors, fut destiné à conduire les peuples humains vers une ère nouvelle. Les druides d’Aulvarn le désignèrent comme l’élu d’Eognus, affirmant qu’il saurait, à l’égal du dieu, faire preuve de sacrifice et d’amour pour unir les peuples vers un avenir prospère. Pour renforcer ce statut divin, il fut décidé de procéder à son sacre, faisant de lui le tout premier roi des dénéliens.

Le lieu choisi pour la cérémonie fut Port-Loharn, là même où le capitaine Loharn d’Aulvarn avait accosté près de deux siècles plus tôt, ses premiers pas sur Grimm ayant, selon la tradition, suscité la faveur du dieu martyr. Brigid et sa famille Aulvarn prirent en charge la préparation de l’événement. Déjà mariée à Uthger, Brigid avait rejoint le clan Osimor, scellant ainsi l’union des deux clans les plus puissants de l’époque.

Cette alliance, négociée dès 283 AB lors de l’accord militaire entre Divicia d’Aulvarn et Uthger, faisait de ce dernier le futur monarque sous deux conditions : qu’il embrasse la grâce d’Eognus et qu’il confie l’éducation de son héritier aux druides d’Aulvarn.

Déroulement

Le jour du couronnement arriva, et tout était prêt. Un sanctuaire fut construit au sommet d’un éperon rocheux surplombant la mer : neuf pierres levées en arc de cercle, représentant chacune des neuf Sentinelles d’Eognus. En son centre se dressait un grand mât cérémoniel, sculpté sur toute sa longueur de scènes retraçant l’histoire des dénéliens, depuis la fuite de Madhur jusqu’au couronnement du roi. Certains affirment qu’il s’agissait du mât du navire mythique, le Rose-Marie, qui transporta les premières colonies vers leur nouvelle terre.

Avant de débuter la cérémonie, on mena Uthger sur la plage afin qu’il se purifie dans l’océan. Tandis qu’il s’y baignait, les druides récitèrent des paroles sacrées ; à sa sortie, ils le couvrirent d’une simple tunique blanche. Il gravit ensuite la colline, pieds nus, jusqu’au sanctuaire, où l’attendaient sa femme, sa famille, les druides aulvarnes et tous les chefs des autres clans. Là, Uthger mit genou à terre pour recevoir le sacre.

On apporta une coupe en bronze remplie de rizhême, huile parfumée obtenue par macération d’asteravein. Le vénérable haut-druide oignit le front, la poitrine et les mains du futur roi. Une fois le rite accompli, Brigid fut invitée à l’habiller d’une tenue de sa conception, finement brodée de fil d’or, symbole de son nouveau statut. Il reçut également une épée façonnée par un maître forgeron et richement décorée par un orfèvre renommé.

À la fin de la cérémonie, les druides firent résonner tambours et conques marines pour annoncer l’avènement du nouveau roi à son peuple. Le port était plein des plus beaux navires ayant acheminé les dignitaires venus de tout Grimm. Uthger monta sur l’estrade de la grand-place de Port-Loharn, bien en vue de tous, et fut acclamé dans l’allégresse générale. C’est alors que se produisit un événement légendaire : une sterne plana au-dessus de la foule, puis vint se poser un instant sur la tête du souverain, ailes déployées. Après un silence de stupeur, elle s’envola de nouveau sous les ovations. On y vit un signe des dieux, et la sterne devint le symbole personnel d’Uthger. Par la suite, les premières couronnes furent décorées de plumes d’or et d’argent en référence à cet instant.

Le reste des festivités parut presque modeste en comparaison, bien qu’il fût tout aussi spectaculaire. Lorsque la nuit tomba sur le banquet, les danses et la musique, les étoiles se dessinèrent dans le ciel. Les astres entrèrent en résonance avec le rizhême, et tous purent voir la peau du roi scintiller alors qu’il dansait avec la reine. Cette journée resta gravée dans les mémoires, transmise de génération en génération et immortalisée dans de nombreuses ballades composées par les plus grands bardes de l’histoire.

Impact

Suite à l’élévation d’Uthger sur le trône, des changements profonds s’opérèrent au sein du peuple dénélien. Les clans d’Aulvarn, de Rudierne, d’Hevott, ainsi que plusieurs autres lignages mineurs durent, parfois sous la contrainte, prêter serment de fidélité au nouveau souverain et à son clan Osimor. Leur second devoir était d’embrasser pleinement le culte d’Eognus et d’honorer ses Sentinelles, délaissant les antiques croyances en les esprits animaux encore vivaces dans les contrées les plus isolées. Dans les années qui suivirent, des chapelles et des sanctuaires furent construits sur tout le territoire afin de permettre aux dénéliens de pratiquer leur nouveau culte.

En échange, chaque clan conserva ses terres, ses chefs, ses coutumes, et une autonomie relative dans la gestion de son fief. Les frontières furent tracées et ratifiées pour mettre fin aux querelles territoriales. En cas de litige, c’était au roi lui-même de rendre justice, et la sagesse d’Uthger permit de déjouer plus d’un conflit. Peu à peu, un système proto-féodal prit forme : les territoires se virent imposer un tribut proportionné à leur superficie. Ces ressources alimentaient la construction d’édifices religieux, de marchés et de fortifications, autant pour protéger que pour enrichir le royaume.

De son union avec la reine Brigid naquirent trois enfants. L’aîné, Clavel, fut confié dès son plus jeune âge aux druides d’Aulvarn pour y recevoir l’éducation réservée à un futur héritier. Vint ensuite Ieffa, jeune fille vive et inventive, dont l’esprit curieux rappela à tous celui de son père ; elle rejoignit les ordres druidiques d’Osimor afin de parfaire son savoir. Enfin, Baust, le cadet, hérita de la force d’Uthger et de la sagesse posée de sa mère, devenant un capitaine émérite dans l’armée royale.

Quelque temps après le sacre, le Sénat d’Aelom’Sehl dépêcha un émissaire, voyant dans l’unité retrouvée des dénéliens l’occasion d’établir un commerce stable avec un pouvoir centralisé, désormais libéré des guerres fratricides. Les Nains des Unions des Monts Benadhum, quant à eux, refusèrent toute approche diplomatique de la part d’Uthger, jugeant les humains instables et potentiellement funestes à l’équilibre fragile de leur civilisation.

Quant au petit peuple occupant les terres nouvellement intégrées au royaume, il reçut une proposition : en échange de services rendus aux clans et du versement d’une part de leur récolte, ils conserveraient leurs terres et leur mode de vie. Faute d’alternative, ils acceptèrent, inscrivant ainsi leur destin dans l’ombre et la lumière du nouveau royaume.