Avec la montée sur le trône du roi Denavarr, Larth se convertit à l’Église de la Croix en 61 PB. Un organe inquisitorial fut alors mis en place afin d’unifier le royaume sous cette nouvelle religion, et le le clergé gagna rapidement en pouvoir.
Depuis la reprise de Kamlorn aux engeances en 44 PB, la reine Enya s’efforçait de remettre le royaume sur pied tout en envoyant ses généraux reprendre le reste de l’ancien territoire larthien. Consciente d’avoir durant la Reconquête grandement bénéficier de l’aide militaire offerte par les Légions de l’Aube, et pour ne pas paraître ingrate, la reine accorda à des officiers ainsi qu’à certains dignitaire de la Croix des titres de noblesses en récompense pour leurs loyaux services. Cependant, la monarque se méfiaient du culte qui avait gagné nombre d’adeptes pendant le Confinement. Malgré ces réticences, elle ne put se passer du service des Légions au moment du chaos causé par la soudaine Ruée des Morts, qui mit à mal les populations du royaume encore renaissant à partir de 59 PB. La santé déclinante de la reine de Larth causa son décès en 61 PB, léguant le trône à son héritier Denavarr.
À cette époque, la cour royale était en grande partie acquise au prestige de l’Église de la Croix, qui avait déjà profondément infiltré la noblesse larthienne. Le précepteur du jeune Denavarr était un éminent représentant du culte, qui eut une grande influence sur son éducation. Les anciens conseillers de la défunte reine Enya furent révoqués, et l’entourage du nouveau roi fut remplacé par des des partisans de l’Église. Après le deuil de la reine, Denavarr annonca publiquement que son règne se ferait sous les auspices du Dieu de la Croix, abandonnant ainsi le culte d’Eognus. Les cercles druidiques marquèrent leur désapprobation face à ce soudain changement de foi, et accusèrent les représentants de la Croix de vouloir renverser le royaume. Mais ces protestations ne trouvèrent aucun écho, car les actes de bravoure des Légions de l’Aube durant les dernières crises donnaient crédit au clergé naissant.
Le couronnement du roi Denavarr fut sanctifié par l’archevêque Llemarr Pannequin. Il annonça la volonté du roi d’unir l’ensemble des peuples autour du dieu véritable, afin d’enfin guérir le monde des malheurs de la Brèche. Cet événement marqua les prémices de l’Inquisition.
Afin d’accomplir la mission divulgatrice que l’Église de la Croix s’était donné, on nomma peu après le couronnement un Grand Inquisiteur qui devait diriger l’unification spirituelle du royaume. Ce fut Eramas de Madorque qui fut désigné pour cette grande tâche, et son premier geste fut d’instaurer un Tribunal inquisitorial à Varannes et d’y rassembler des prêtres prometteurs. L’attitude docile du roi Denavarr permit à l’Inquisition de rapidement gagner en pouvoir et en autorité.
La mission initiale de l’Inquisition était de convertir la population du royaume. On enseigna partout les préceptes de la Croix, tout en mettant en garde tous ceux qui choisiraient de suivre de fausses divinités. Ces doctrines donnèrent une nouvelle définition à l’hérésie, qui devint une dangereuse maladie de l’âme qu’il fallait absolument endiguer. On disait au réticents que suivre la voie de Dieu était le seul moyen d’empêcher la Brèche de se reproduire. L’Église pointait également du doigt ceux qui s’adonnent à des pratiques impies telles que la sorcellerie ou les arts occultes, en les associant à l’ignominie des engeances.
Pervertie par sa propre autorité, les missions de l’Inquisition changèrent rapidement de nature. Ils firent appel aux Légions de l’Aube afin de réprimer tous ceux qui ne voudraient pas se soumettre. Les personnes converties sous la contrainte, dont on questionnait la sincérité de la foi, étaient étroitement surveillées. Ces « frelats » étaient fortement discriminés, et par la suite accusés de tous les maux par le peuple. À la moindre activité suspecte, la délation entre voisins était fortement encouragée par l’Inquisition afin de permettre la purification de l’âme des mécréants. Les frelats qui étaient soupçonnés d’encore prier leurs anciens dieux étaient immédiatement arrêtés par les forces armées de l’Inquisition, afin d’être interrogés.
Ces interrogatoires étaient connus pour leur grande brutalité. Les aveux étaient obtenus au travers de diverses méthodes de torture. Flagellation, estrapades, privations, et supplices en tous genres étaient alors de mise. Quand les inquisiteurs locaux en avaient fini avec les malheureux accusés, ils étaient le plus souvent transférés à Varannes pour se faire juger au Tribunal. Les sentences les moins lourdes imposaient de fortes amendes envers l’Église, mais il était bien plus courant que les condamnés soient exécutés publiquement à l’occasion d’autodafés ou déportés vers les affres de la Mer Sèche.
Une véritable ère de Terreur se dessina sous le joug de l’Inquisition, s’étendant sur tout le royaume de Larth et touchant aussi les esprits des pays voisins, notamment le royaume de Saûne où d’obscures sectes commençaient également à influencer le pouvoir royal.
L’influence de l’Inquisition produisit des émules dans les différents pays reconquis de Grimm, qui bien que minoritaires gagnèrent de plus en plus d’ampleur au cours de la Terreur. La principauté d’Esbaahl, depuis longtemps acquise aux préceptes de la Croix, devint un vecteur dévoué pour l’Inquisition sur le bassin alboréen et contribua grandement à diffuser la parole sacrée.
Larth, pendant la majeure partie de cette période trouble, était encore en phase de Reconquête aux niveaux des futurs États vassaux. L’autorité de l’Inquisition n’atteignait pas les lignes de front dirigées par les généraux jadis nommés par la reine Enya. Ce n’est qu’une fois les terres libérer des engeances que des représentants de l’Inquisition étaient dépêchés pour assainir les populations récemment implantées, et pour s’assurer que les anciens cultes ne puissent ressurgir.
L’Inquisition à Larth fut autant un moteur puissant de cohésion spirituelle que de tyrannie théocratique. Cette autorité fut largement abusée pour des fins politiques, car il était aisé d’éliminer les personnalités gênantes en faisant passer l’opposition pour de l’hérésie. Face à cette crise de souveraineté, des mouvements de rébellion se sont éveillés à plusieurs reprises sans parvenir à aboutir. La situation changea quand les forces armées menées par Jeremias de Baumont choisirent la dissidence en renversant leur général pour fonder Abradhiorn en tant que pays indépendant en 81 PB. C’est un autre coup d’État savamment orchestré par Sargisnold, le demi-frère du roi, qui permit quelque années plus tard de mettre fin par la force au règne de Denavarr. L’Inquisition fut démantelée dans le même temps et le culte de la Croix devint formellement proscrit au moment de l’Émancipation en 83 PB.