Marquée historiquement par la destitution du roi Denavarr, l’Émancipation représente le point de départ d’une ère de paix après tant d’adversité durant les Années Sombres. Avec la chute de la tyrannie inquisitoriale, les pays reconquis de Grimm purent enfin construire l’avenir dans ce monde nouveau. Cet événement est considéré comme la transition majeure qui mit fin à l’oppression religieuse et ouvrit l’ère dite de l’Équilibre.
Alors que le pouvoir de l’Inquisition faisait peser son ombre grandissante sur le continent de Grimm, la révolte des armées de Jeremias de Baumont sur le front de la Reconquête provoqua un grand bouleversement au Tribunal de Varannes. Le Grand Inquisiteur de l’époque, Dirgo Aspinarr, déclara que l’affront des dissidents hérétiques du nouveau pays d’Abradhiorn ne resterait pas impuni. On laissa alors entendre que des représailles de la part des armées larthaises et des Légions de l’Aube se préparaient. La crainte que ce conflit dégénère en guerre ouverte se répandit sur tout le continent. On racontait alors que le monde était à l’aube d’une nouvelle Grande Guerre qui pourrait impliquer tous les nouveaux États.
Dans ce climat tendu où il était encore difficile de connaître les allégeances des uns et des autres, la méfiance était de mise entre les différents pays reconquis de Grimm. Pourtant, nombre d’entre eux avaient le désir de renforcer leur position diplomatique, mais l‘insidieuse menace du culte de la Croix refroidissait les tentatives d’alliance et de commerce.
Dans les villes et les campagnes de Larth, la rébellion d’Abradhiorn avait réveillé les esprits de révolte. Les habitants opprimés depuis trop longtemps furent de plus en plus nombreux à rejoindre les réunions de la résistance qui s’organisait dans l’ombre depuis plusieurs années à travers tout le royaume.
Celui qui fut l’instigateur de la délivrance de Larth est un membre de la famille royale qui s’était jusque-là fait discret. Sargisnold, demi-frère du roi, était le fils d’un concubin de la défunte reine Enya. Son statut de bâtard l’avait éloigné dès son plus jeune âge des affaires du royaume, mais il résidait malgré tout à la cour royale où il était apprécié pour sa grande intelligence et son esprit vif qui ravissait les nobles.
En réalité, Sargisnold menait un habile double jeu en fomentant la destitution de son frère. Il avait rassemblé au cours des années de nombreux contacts au sein de la haute société larthaise, en particulier les plus enclins à la dissidence. Il s’agissait pour la plupart de chevaliers désapprouvant la soumission du roi au Grand Inquisiteur, ou de hauts bourgeois dépités par l’état du royaume. Il trouva aussi de nombreux alliés dans les États vassaux, en particulier à Varn. Son réseau lui permit de nouer des alliances en secret dans les pays du bassin alboréen, notamment à Cesteras avec qui il négocia à des contrebandiers l’acheminement d’armes, de vivres et de matériel en vue de la révolution. Les fidèles agents de Sargisnold étaient présents dans la plupart des cellules de résistance de Kamlorn et au-delà, rapportant toutes informations cruciales au stratège.
De nombreux partisans de la révolution finissaient capturés par les bras de l’Inquisition, mais le royal bâtard accomplit l’exploit de ne jamais éveiller le moindre soupçon sur sa personne. La grande prudence de ses méthodes parvint à prendre de court son propre frère lorsqu’éclata la guerre civile qui signa sa chute. Le contingent révolutionnaire de Sargisnold mena alors une attaque contre le palais royal en déjouant ses défenses de l’intérieur. À Varannes, les dirigeants de l’Inquisition étaient tant préoccupés par la préparation de l’assaut d’Abradhiorn qu’ils ne furent pas prêts au chaos qui remua le pays dès lors. Partout, les groupes de résistants prirent les armes envers les légions inquisitoriales, embarquées par l’élan révolutionnaire qui animait la capitale.
Quand Sargisnold parvint à obtenir la reddition de son frère, il le fit mettre au fer et s’empara de l’autorité royale. Les dirigeants de l’Inquisition, privé de l’appui militaire du royaume, durent se résoudre au repli. La victoire de la résistance se solda par l’avènement du roi Sargisnold, reconnu comme celui qui vaincut la tyrannie de la Croix. La couronne de Larth renoua pour l’occasion avec Eognus grâce à un sacre officié selon les anciens rites dénéliens.
En reprenant le trône d’Arthegon, le roi Sargisnold insuffla un grand soulagement sur le continent. Il fit la concession à Abradhiorn de son territoire en reconnaissant son indépendance, et la guerre n’était alors plus à l’horizon. Cet apaisement permit au commerce entre les nations d’enfin prendre son essor, et de stabiliser les relations diplomatiques.
Le monde fut alors capable d’élargir ses perspectives en s’adonnant à l’étude des anciens tabous. Les corporations de mages développées à Yrdhin menèrent à la fondation de la première académie arcane à Avilonn en 141 PB. Plus qu’un simple champ d’étude mystique, l’étude de la magie permit de développer une nouvelle compréhension de l’univers et des forces qui le régissent. Des développements techniques fondamentaux ont suivi ces découvertes, et un vaste réseau académique contribua encore à institutionnaliser les arts occultes.
L’Église de la Croix fut bannie dans tous les pays, à l’exception du royaume d’Esbaahl jusqu’à ce que celui-ci soit également renversé l’année suivante en 84 PB pour devenir Lavenden. Pendant l’Équilibre, seuls quelques groupes clandestins épars s’organisèrent en sectes pour vénérer le Dieu de la Croix.
Pour les historiens, l’Émancipation représente l’espoir qui permet aux peuples de Grimm de refermer les douloureuses plaies ouvertes lors de la Brèche.